L’Europe et les États-nations, amis ou ennemis ?

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Le 6 novembre 2017, la #CitizensRoute a organisé sa première e-Tribune qui a rassemblé une vingtaine de participants autour de cinq intervenants sur le thème: la crise Catalane d’un point de vue Européen et politique. Yves Gernigon était l’un de ses invités. Retrouvez ci-dessous un extrait de sa présentation.


Je suis le cofondateur et le dirigeant d’un parti politique, le Parti Fédéraliste Européen.

En tant que parti politique, le PFE se présente aux élections. Lors des scrutins, nous avons souvent le soutien de mouvements régionalistes (autonomistes et indépendantistes), notamment en France où ces mouvements sont nombreux, du fait de la très forte centralisation de l’Etat et des demandes d’émancipation afférentes.

Les mouvements régionalistes considèrent le fédéralisme européen comme un premier pas vers l’indépendance de leur territoire.

Il y a donc un lien bien réel entre le combat pour l’Europe et le combat régionaliste.

Le conflit en Catalogne est déjà une vieille histoire entre Barcelone et Madrid. Mais la situation s’est particulièrement détériorée ces dernières semaines et ne correspond plus au négociations du début : une simple demande d’autonomie régionale.

Cependant, je pense que nous pouvons tirer quelques remarques de ces événements.

1° – Sur le contexte global. La construction européenne, qui est à l’œuvre depuis plus de soixante ans, a sérieusement renforcé les exigences d’autonomie locale.

La raison en est simple, les citoyens se sont vite rendus compte que si des compétences peuvent être transférées vers le haut à Bruxelles, d’autres compétences peuvent être transférées vers le bas, en l’occurrence vers les collectivités régionales.

Certaines de ces revendications peuvent s’appuyer sur des bases juridiques solides : Charte européenne de l’autonomie locale, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

2° – Sur les motivations. Elles ne sont peut-être pas à trouver dans un nationalisme identitaire – même s’il s’affiche parfois – mais plutôt dans des revendications pragmatiques : autonomie fiscale et politique. C’est une façon de remettre en cause la gestion de l’Etat central traditionnel, considéré comme incapable de résorber les crises, notamment celle de 2008 et de calmer les peurs liées à la mondialisation : concurrence économique, délocalisations, migrations, perte d’identité. C’est peut-être aussi une réponse à l’échec du vivre ensemble, une notion de moins en moins claire pour les citoyens.

3° – Un symptôme fort, les réactions politiques. Il y a sans doute aujourd’hui une prise de conscience au niveau des Etats que ces mouvements régionalistes challengent l’Etat-Nation :

  • Le mutisme des chefs d’Etat – excepté la Belgique – au prétexte de ne reconnaître que les Etats comme interlocuteur et non les collectivités locales.
  • L’immobilisme des institutions européennes. La remarque de Jean-Claude Juncker qui ne voudrait pas voir « une Europe de 95 Etats » est bien trop alarmiste. Les collectivités voulant déclarer leur indépendance ne sont pas nombreuses en Europe : Ecosse, Flandre… Ailleurs les indépendantistes n’ont ni le soutien de la population (Corse) ni un projet solide (Padanie).
  • L’intransigeance et la crispation de Mariano Rajoy face à une demande légitime sont surprenantes. Pourquoi le gouvernement espagnol a-t-il interdit la tenue de ce référendum ? Ce n’est pas respectueux du droit fondamental des peuples à disposer d’eux-mêmes. D’autres gouvernements européens ont bien accepté d’organiser de telles consultations : les Écossais ont eu leur référendum en 2014, la population de Nouvelle-Calédonie décidera l’année prochaine de l’indépendance de l’île par rapport à la France.

4° – La construction Europe a toujours été vécue tacitement comme un accord gagnant-gagnant. Toutes les campagnes électorales européennes vantaient un pays plus fort dans une Europe plus forte.

Ce postulat est-il encore vrai aujourd’hui ? A l’évidence non. Comme le souligne Ulrike Guérot – une universitaire allemande – l’intégration européenne n’est ni neutre ni pacifique. C’est une révolution populaire qui place le citoyen européen dans un mouvement de contestation de l’ordre étatique établi.

Il est donc presque certain que l’intégration européenne se fera aux dépens des États et des nations qui ont eux-mêmes lancé le processus européen.

Une réflexion au sujet de « L’Europe et les États-nations, amis ou ennemis ? »

  1. En outre, le SNP etait jusqu’a il y a peu partisan de la sortie de l’OTAN (!) ce qui a mon sens indique une europhilie des ecossais pas si evidente qu’on nous le dit sur les sites bretons, car si il y a bien un element federateur dans la construction europeenne, c’est l’OTAN.

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